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jeudi, juin 02, 2005

Mamma

Il voulait écrire une chanson sur sa maman; pas une banalité sur sa mère, cette dame aux cheveux gris jaune qui se plaignait dès que le vent se mettait à souffler sur la petite avenue de la maison et à faire voler les feuilles la terre les papiers sales et les papiers propres et dès fois des dollars qui venaient d'on ne sait où, et pour ça Phil lui était très reconnaissant, au vent, il avait même commencé une collection, il plaçait les feuilles froissées de cet étrange papier plastique qui semblait indestructible, et qui le rendait si envieux, dans la petite commode où il rangeait les vieilles partitions, ses photos râpées, toutes ces choses de cet avant qui lui donnait le vertige et qui ressemblait tellement à sa mère, à son odeur, à celle de la maison, il la détestait tant, un vieux livre en russe de Pouchkine, ça il n'en était même pas sûr, et puis ses trésors à lui, des photos de chattes jaunes plus que grises, des bouts minuscules de chair rosie par la lumière d'un flash, des regards fatigués, une fois, il y a bien longtemps, avant qu'il rencontre les autres, alors qu'il essayait de simuler une scène d'amour torride avec la Jess du magasin de livres d'occasion qui le regardait bizarrement depuis l'été de ses quinze ans, il rêvait, sa mère avait même fait irruption derrière ses paupières fermées, elle était habillée avec cette affreuse robe jaune de sa jeunesse, d'avant son père, qui faisait ressembler ses deux jambes à des troncs de bois, et sa poitrine qui ressortait si indécemment et qui aurait fait chanter n'importe lequel des porcs du St Whitey's où elle s'échouait parfois et où il avait rencontré le frère de Pete la première fois qu'il avait pu y rentrer tout seul, quelle fête!, des chansons atroces de jeune fille condamnée par la mort, par la guerre, par les rois. Il voulait écrire sur sa maman d'avant, pas sur la mort, la guerre, les rois, foutu, foutu Pete. Un jour il lui ferait la peau. Un jour, des dollars voleraient dans un film promotionnel, dans une ruelle d'amérique, autour de lui, il serait habillé en hobo classe, en découpeur de viande, en balayeur haillonné, il aurait le visage briqué par la suie, et les billets attireraient l'oeil, il donneraient un petit air de fête à cette scène tragique, il taperait un rythme simple du pied, tout serait simultané, ça brillerait, ça étincelerait, il débarasserait enfin sa mère de ses haillons jaunis et de cette foutue odeur dégueulasse qui imprégnait tout jusqu'à l'oreiller de son propre lit.

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