player_pianoblog

"You are the ONLY person to visit this page. No one else will ever come here"

mercredi, décembre 24, 2008

des chansons, des disques, des ménines


Comme dirait Guy, salut

on vient de publier un top-parade officiel de mon année de chroniqueur musical ici

et je suis déjà agité, idiotement, de ce qu'il y manque - quelques commentaires et arguments, quelques liens, quelques annexes rédigées pour le papier à cet oripeau rédigé à la va-vite aux premiers jours de novembre - et je me résous à en livrer quelques-uns ici. Des commentaires et des arguments, il m’en vient une bonne dizaine par jours, mais je m’abstiens dorénavant à chaque fois ou presque, constatant qu’ils n’éclaireraient rien ni personne, ayant tous à voir avec l’effroyable manque de vision de quelques artistes dont les voix portent le plus loin et avec l’incommensurable laideur raide (si seulement elle était visqueuse) des chansons qu’ils décalquent depuis leurs écrans et renardières, des sons de synthétiseur virtuel qu’ils choisissent, des chanteuses qu’elles singent, de la pop en général; vraiment, vraiment, la pop en 2008 fut, plus fort que n’importe quelle année avant, exceptionnellement laide ; je dois confesser que je peste proprement et souvent en privé, à voix haute à mes amis, contre l'époque, contre l'étrange tourment que j’ai parfois l’impression de m’infliger en travaillant au commentaire en temps réel de la dite époque quand celle-ci me perd et me débecte plus souvent qu’elle ne m’enthousiasme; j’y pensais encore il y a peu en revenant du tourbillon d'Agnès Varda sur le Siècle, j’y pense à chaque fois que j’écoute un gravat d’alt. country (je le dis une bonne fois pour toutes, SIC), j’y pense à chaque fois que je m’endors sur un disque de techno (il n'est un mystère pour presque personne que si les kicks tapent sur tous les temps et tous les nerfs comme ils se glissaient dans les interstices à chaque mesure vierge il y a quelques années, on a toujours autant de mal à se préserver de la musique électronique médiocre), j’y pense à chaque fois que je glisse d’atterrement en écoutant un de ces objets sonores de bourdon et/ou de soi disant noise music les plus commentés dans les fanzines en ligne, Growing (avant c'était hyper nul, maintenant c'est seulement plutôt nul avec des jolies pochettes), Expo70 (nul nul), Burning Star Core (abjectement inégal), tous ceux-là; un bon ami me disait (je réécris un peu pour l'effet dramatique) "quand j'ai découvert Sunroof! je pensais avoir trouvé la porte d'entrée vers le plus fabuleux des continents, et en fait non, c'est un cul-de-sac, y a rien après" et évidemment il avait raison; je n'en reviens pas qu'on loue partout sans rien fouiller nulle part ces pavés hâtivement délayés pas même foutu de fréquenter les fréquences douloureuses, les dissonances ou la vraie terre tout en sautillant au-dessus des montagnes de sable de Lithops (certes, le nouveau, « Ye Viols ! », ne sort que fin janvier, mais vous n’aviez pas parlé du précédent non plus), la monstrueuse majesté de tout ce que tente Marcus Schmickler depuis deux, trois ans avec Thomas Lehn (« Navigation Im Hypertext »), Hayden Chisholm (« Amazing Daze ») ou son ordinateur (« Altars of Science », « Demos for Choir, Chamber Quintet and Electronic Music ») ou la violence abrupte, blanche et bouillonnante des « Four Electronic Pieces (1959-1966) » de Pauline Oliveros, éditée seulement cette année par Sub Rosa ou enfin, enfin, la densité considérable des « Works for Gisèle Vienne » de Peter Rehberg ; je refuse d'en tirer des conclusions sur l'ignorance et l'imbécillité (c'est nul aussi) mais les mollets me démangent, peut-être la faute à mes chaussettes de ski; voyons plutôt voir ce qui nous a enthousiasmé, car la vérité de ces râleries, c’est qu’on y voit un peu plus clair, que les belles choses émergent plus haut.

The Mole : j’en ai parlé ici, la musique électronique avance toujours par sauts de puce vers le dedans, dans ces péristyles traversants qui sont l’inconscient de l’époque, et si The Mole a réussi quelques coups d’éclat dans les listes des disc-jokeys, on n’a trop ignoré son apport important à la musique immobile, celle de Pauline Oliveros, Moodymann ou Lightning Bolt, et au funk mis-en-machine, celui de Cristian Vogel ou Roger Nelson; juste sur son flanc, le mix du duo allemand Âme pour la série de la boîte de nuit londonienne Fabric fut un très beau repose-pieds:

Sans faire trop trop de vagues, le très classe duo allemand Âme s’attache depuis quelques années à effriter les parois de la minimal toute digitale en la trempant dans un grand bain deep house très chaud. Ou serait-ce le contraire ? Leur chemin discographique clopine sans conteste d’une mise à jour généreuse et inspirée des salves les plus solaires de Larry Heard et Glenn Underground vers une techno adipeuse et nocturne dont l’énigmatique hit « Rej » est l’exemple le plus caractéristique, et ce nouveau mix pour la très huppée série du club londonien Fabric n’aidera pas à y voir plus clair dans leurs goûts et leurs intentions. Tant mieux. Épais et puriste, le mix s’étale tout droit, à tempo modéré, et s’autorise un éclectisme réjouissant qui ferait presque passer l’Histoire pour une mer d’huile, sautillant sans cesse des derniers bangers minimal house à la mode (Jens Zimmermann, Matthew Styles) à quelques classiques indestructibles de l’acid house (Armando), de la techno minimale (KB Project aka Daniel Bell) et de la techno tout court (LFO vs. Fuse) sans jamais avoir à dévier ou faire de crevasse dans la matrice. Un petit voyage remarquablement dialectique, à peine entaché de quelques télescopages sans intérêt (Moondog qui cause sur un beat microhouse, beurk).

Pour les autres artefacts nécessaires, les Sessions compilées de Carl Craig (en version internet sur emusic pour les versions intégrales des morceaux, s’il vos plaît) ont tout du platine affiné mais vous le savez déjà; ce que vous ne savez peut-être pas encore, c’est que son retour à Ravel et Moussorgski avec Maurizio est presque tout autant éclatant, malgré la mise à l’étrier foireuse du projet (et un concert abominable à la Cité de la musique). Allez-y subir le poids de l’histoire et du mot « classique », qu’il discrédite en creux Ives, Varèse, Grisey, la modernité toute entière sans que ça ne froisse personne, ou qu’on l’imprime sur un sticker de techno frileuse ;

après, j’ai aimé, comme chaque année qui s’empile, les « Women in Love » de Xiu Xiu, constatant qu’on l’avait moins poussé que le précédent: on m'a soufflé à l'oreille que le meilleur morceau de l'album était la reprise de Queen et David Bowie, et c'est certainement une vérité dans l’éther, mais il n'en demeure pas moins que les autres chansons/mobiles de bruit de Jamie Stewart la talonnent immédiatement ; il va sans dire que les songes de profondeurs du grand Dennis Cooper chantent bien plus fort ici que dans les disques de KTL ;

ensuite, j’ai compté sur mes doigts, comme l’année précédente et celle qui l’a précédé : la seule pop, le seul rock qui m’intéressent depuis le bide et depuis le duvet sur ma peau sont toujours le(s) fait(s) de Deerhoof et ex associés ; un bon ami (le même qui dit la vérité sur Sunroof !) a même résumé la médiocrité de l’année musicale entière à sa déception quant aux chansons de Offend Maggie ! et si je suis loin d’être d’accord avec lui sur le dit disque (il est très grand), sa lorgnette en dit long sur nos préoccupations : le grand autre de l’année, la plus belle collection de chansons, le disque le plus expérimental de ces douze mois-là est sans conteste l’album du Cryptacize de Chris Cohen et Nedelle Torrisi, allez-y aussi même si je ne saurais trancher entre une droite (disons, les très grosses densités de l’album de Zach Hill) et cette gauche (les trous d’airs, les mesures boiteuses, les belle phrases romantique comme « Every word is an unfinished song » qu’on hume comme comme on caresse la main de sa mie) pour étalonner le danger, c'est un indispensable, comme le bien nommé "IKKKYOKUME" des très, trop belles Nisennenmondai (si vous ne l'avez pas entendu, allez l'entendre)

je le disais ici et là, Max Tundra ne connaît pas la crise ; "Parallax Error Beheads You" nous sauve de tout, du malaise des escaliers de la post-modernité (c’est à peine croyable et terrible pour nos idéologies en perdition, mais on louait encore cette année quelque groupe – jamais écouté - pour zoner dans les dossiers de fichiers en mode aléatoire et ne plus jamais rien adopter, ne plus rien chérir, ne plus rien discerner des valeurs, des cultures et des intentions entre Zappa et Rihanna, on a dit en aimer pour leur aimable servilité) ; pas si loin dans un essai intelligent sur ce qui devrait nous fâcher cette année (je ne l’écrirai pas), l’album de Quiet Village compile-colle comme il faut, et c’est pas mal, beaucoup, et la deuxième cathédrale de Kelley Polar tutoie les galaxies (les vraies, les inventées) dans ses mots éblouissants et ses mélodies merveilleuses ;

le metal en 2008 fut nul comme les bourdons, mais Meshuggah ont fait un Eden, l’obscène « ObZen » ; j’imagine que le blues fut nul aussi, mais le seul disque de blues que j’ai écouté, « Life… The Best Game In Town » a bien plus de vertus que sa pochette (une affiche humide d’Iron Maiden, un chapeau), il est mirifique, car, comme je l’écrivais,

Harvey Milk n’a jamais rien fait comme ses camarades de bruit. Oscillant désespérément entre les cénacles bourrins-velus et les sourcils relevés de l’indie frêle, entre Hank Williams et Eyehategod, soli bluesy graisseux et feedbacks rachitiques, océans de lenteur et ballades poisseuses, le groupe ne choisit jamais - jusque dans la voix rauque et mutante de Creston Spiers. Ainsi l’ouverture programmatique de ce nouveau « Life… » ose la dynamique totale et le triangle des Bermudes, entre berceuse baroque, riff stoner en ciment, monolithe noise et blague Beatlesienne, sans jamais avoir recours au collage ou à la couture crossover, puisque le groupe habite tous les pôles avec la même intensité totale. Ici accompagnés de Joe Preston, le plus lunatique mais le plus précieux des intérimaires, Harvey Milk s’amusent des formes - accélération hardcore, décélération heavy, langueur blues, statisme doom - autant qu’ils approfondissent leur épistémologie du tourment, et accouchent d’un énième monument.

Et s’il faut finir, finissons d’abord sur quelques gestes violents tardivement faits à mes expectatives (moins la faute à mes préjugés qu’au manque d’imagination d’autres forçats de la pige): « Un Dia » de Juana Molina – je la prenais pour une hobo emmerdante, mon chef, que je respecte infiniment, m’a dit « écoute le premier morceau, c’est très impressionnant » et j’ai découvert le deuxième monument immobile de l’année (ça met des cœurs et des choses à manger dans le papier-peint de High Places, Deerhunter, ce genre de trucs surestimés) ; « Certainty of Swarms » de Hair Police – je les prenais pour un dérivé de Wolf Eyes, j’ai lu que ça s’était fait dans le sens inverse, j’ai compris ma douleur, c’est un disque de douleur divertissante, un truc drôle et pas drôle (ça dépend des moments, mais pas seulement), un catalogue très, très riche de matières à copier-coller et une parodie de glaise adolescente – mieux qu’Ocrilim, mieux que tout, je l'écoute jamais mais je l'aime ; « Unpop » d’Yximalloo, au sujet duquel je n’oserai rien écrire, car ce grand gars violente la chanson depuis la fin des années 70, et je viens seulement de commencer à entrevoir sa lumière ;

Finissons aussi, pour de bon, sur une seule réédition : « TOGAWA LEGEND, Self Select Best & Rare 1980-2008», grosse autocompilation de la grande, la grande, la grande JUN, qui choisit pas mal (j’aurais fait autrement, mais comme je l’ai peut-être découvert en lisant le mauvais JAPROCKSAMPLER de Julian Cope – sauf le chapitre sur les Rallizés Dénudés, très drôle et que je rêverais tant voir cité en idéal par quelques nouveaux venus* - j’aime bien moins le rock que la pop) mais offre beaucoup, faces B vitales et versions inédites renversantes ; à nouveau, je n’oserai rien écrire à son sujet, rien d’autre à part ELLE ETAIT FABULEUSE (elle est encore vivante, mais à en croire un autre bon ami qui l’a vue vaciller sur scène cet été pour fêter cette belle anthologie, ça ne va pas fort) comme je l'ai déjà écrit tant de fois sur Regina Spektor, Gal Costa ou Oni & Pika, il n’y a rien d’autre à acheter en cette fin d’année si ce n’est déjà fait, sauf les versions intégrales, si vous le pouvez, parce qu’elles sont presque toutes épuisés.

*"Okay, now I’ve got you intrigued about Mizutani’s formula, I shall slightly deflate you all by revealing its incredible simplicity :

1.Never record in a studio.
2.Play only with musicians for whom even the slightest deviation from the riff will most certainly be calamitous.
3.Never release records (never ever).
4.Persist for three decades until the outside world catches on.
"

Salut!

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Abonnement Publier les commentaires [Atom]

<< Accueil