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lundi, juillet 23, 2007

intererupting



petit jeu avant le sud, un temps,

d'où vient la boucle qui anime ce méchant étalage de crasse dans l'oreille?

vous aurez au moins gagné le privilège d'en savoir plus que moi

lundi, juillet 16, 2007

simple ton

je rentre du Danemark et je dois dire,

j'ai beaucoup apprécié ces derniers jours les lignes claires, les entrelacs déchiffrables de belles nappes de synthèses amoureuses de vous et de blocs parallèles dans le séquenceur, certes les amonts pèsent lourd sur la tête, les lianes sont indestructibles,

mais qui osera dire que l'update de Carl Craig qui pompe par Aril Brikha, rare faiseur d'en haut qui met des années à faire des pierres polies juste pour l'histoire, étalé dans le temps jusqu'à l'endormissement des souvenirs, jusqu'à la disparition des dictionnaires de la musique, bienvenue à son Ex-Machina dans notre monde, puisse être autre chose qu'un innénarable moment de bonheur? En plus il antropomorphise une boite à rythmes, c'est la plus belle des choses à faire, franchement, et je ne dis pas ça parce que je l'ai déjà fait avec une Linn LM_1, je dis ça parce que je trouve ça très très poétique, bien plus complexe dans les tenants et les souvenirs qu'une simple rengaine, comme disent les techno critics, "deep", "emotional", "soulful" (mon préféré, "soulful", les machines qui mangent l'âme font toujours peur), et il y a ce titre, "Ex Machina", évidence Da Vinci, mais aussi, "ex machine", un énième échappatoire qui refuse de regarder les boulons et les circuits imprimés dans les yeux, comme c'est étrange, ces musicien électroniques qui ont tellement peur qu'on les prenne pour des robots, regardez
avec les boutons on peut faire un joli visage

sinon il y a cette mise au point que j'aime bien des hollandais de Duplex, là, enfin un album qui sort sur Clone, et ça court après les "Driving Memoirs" de Morgan Geist (je vous mets l'ouverture pour le plaisir, pour ceux qui ne sauraient pas encore, certainement la plus belle chose à dire avec cinq sons sur la terre) "Late Night Driving", un titre générique égale une musique générique, mais il y a de très beaux moments dans les nappes filtrées dans l'obscurité, sans la sécheresse et c'est dommage, des beaux moments pour qui sait apprécier un regard dans une paire de lunettes Oakley embuées pour trouver l'amour dans les lignes de code de cette saleté dégueulasse qui s'appelle le purisme

autrement pour l'anecdote d'abord j'ai trouvé sur un forum un mention déshonorante de ma conférence de la semaine dernière au pdt avec un extrait de mon texte paru dans Palais comme quoi j'étais certainement un sinistre personnage et je cite "ce genre d'individu est directement responsable de la victoire écrasante de Sarkozy et des idées dites néo-réactionnaires", comme quoi (ont ils juste lu l'extrait ou le texte tout entier, ces méchants?) mon travail est "snob et creux", snob où ça? je demande, creux comment? je demande encore, et j'avoue, j'ai pas bien compris, c'est le genre de trucs qu'on efface du revers de la main quand on est un sinistre personnage, sûrement, mais à chaque fois ça me fiche tout de même un coup sur le front et ça me fait mal au crâne pendant une semaine, je ne saisis pas bien ce que veulent les gens, si ce qu'ils détestent le plus c'est les prises de parole ou bien le travail passionné, l'ignorance passe encore, et là, ce sont les lignes claires que je dois remercier, c'est par elles que j'opère une petite fuite en avant avant les vraies vacances (je dois faire réparer mon ordinateur aussi), bref, je m'étais promis de passer à autre chose sans m'en parler, j'y vais

mardi, juillet 10, 2007

a huge vat of preservative grease


Cette fois-ci, un petit cadeau, un petit bout de détour dans une botte de kryptonite: je vous recopie presque tel quel un extrait très concentré d'une belle matière

parce que rien de ce que je pourrais vous en dire ne pourrait vraiment lui faire honneur

L'histoire d'un sous-marin appelé Yabba-Dabba-Doo, et vous allez peut-être bien comprendre où je veux en venir, si vous voulez bien vous donner la peine de prendre cinq minutes (oh ça vaut le coup)

1969: The Singular Excursion of the Anium Otter
(...)


Howard Hugues came up with the idea during the paranoid tailspin of his dying years. After seeing a documentary on cryptozoology, the study of animals that turn up in places where they don't belong, Hugues concocted a scheme to secretly transplant a herd of kangaroos from Australia to the South Dakota badlands. He somehow convinced himself (years of codeine abuse may have played a role here) that the appearance of kangaroos outside of Rapid City would trigger an "international cryptozoological incident" that the U.S. government would have to spend millions of taxpayer dollars investigating, thereby draining the Treasury and forcing salary cuts at the Department of Internal Revenue. Hugues hated taxes, and the thought of I.R.S. staffers losing their Christmas bonues over a bunch of marsupials made him happier than a bucket of cough syrup.
Early in 1968, Hugues telephoned Melvin Dummar (a friendly Utag gas station attendant who'd once picked him up hitchhiking in the desert) and confided his plan. Dummar agreed it was a stroke of genius but said it reminded him of a novel he'd heard of - not actually read, but heard of- in which Mormon sewer workers do battle with albino alligators beneath the streets of Salt Lake City. A novel? said Hugues, and in a few narxotic-assisted leaps of the imagination decided that the feds had foxed him somehow, figured out his intentions and rushed into print to taunt him with their foreknowledge. He asked Dummar who the book's author was, and Dummar told him, sort of.
Back at the Desert Inn Hotel in Vegas, Hugues whipped up a set of blueprints for a gigantic cargo submarine and engaged a Detroit shipwright to build it. The sub's hull was to be composed of a mixture of titanium and germanium, an ultrastrong alloy patented simply as "anium": hence the name of the completed vessel. On November 30, 1969, The Anium Otter was launched into lake Erie with a bellyful of kangaroo and Hugues at the conn.
On the 8th of December (there'd been a delay sneaking the sub through the New York State Barge Canal) a Finger Lakes marijuana farmer named Thomas Pinch was awakened in the night by sounds of stampede. Thinking, much as Hughes had, that the government had got wise to his business, he grabbed a shotgun and a terrycloth bathrobe and headed for the door of his cabin, only to discover that some forty-odd kangaroos had broken into his camouflaged greenhouses and where chowing down on his cash crop. When a particularly large and woozy 'roo began to make boxer-like gestures in Thomas Pinch's direction, the farmer bolted back inside the cabin, but not before a cackling Hugues managed to snap a single flash Polaroid.
By dawn's first light the herd - along with half an acre of winter cannabis - was gone, though not without a trace. Thomas Pinch followed the profusion of kanga-prints down to the edge of tge lake. The tracks came out of of the water; the tracks went back into the water.
Shit, Pinch thought, no one's ever going to believe this. Drifting in the deeps off Taughannock Point, Howard Hugues chuckled and lit himself a joint.
The I.R.S. had the last laugh. The fate of the forty kangaroos is unknown, but after Hugues's death in 1976, the Anium Otter was auctioned off to help pay the seventy-seven percent inheritant tax on his estate. The Otter was purchased by one Dobi Khashoggi, the black sheep expatriate third cousing of Saudi arms dealer Adnan Khashoggi, for resale in the Middle East. A number of desert sheiks expressed interest in owning a submarine, but Adnan, acting in a fit of pique, managed to sabotage every prospective deal until Dobi was completely humiliated in the eyes of the family. And so Hugues's last brainchild - now more albatross than otter - spent the next thirty-eight years sitting in a huge vat of preservative grease on the Motown docks, until Morris Kazenstein came by to a look at it. By this point Dobi's disgraced descendants were only too happy to unload the cursed thing, especillay on a Jew, and they let him have it for a song.
The Polaroid snapshot Hugues had taken was left aboard the sub and remained there throughout the decades of cold storage. During the lengthy processing of transforming the Anium Otter into the still larger and probable Yabba-Dabba-Doo, Morris found the faded photo tucked away in the periscope housing. He gave it to the chief engineer, Irma Rajamutti, a graduate of Bombay University with a double major in applied mechanics and eccentric literati. After the submarine refit was complted Irma taped the Polaroid up on the wall of the engine room. If asked who the guy in the terrycloth robe was she would reply: "J.D. Salinger."
Having already been misidentified once in a big way, Thomas Pinch probably wouldn't have minded this.


C'est un livre que j'ai payé $3.99 canadiens au Village des Valeurs de la rue Jean Talon, à Montreal, paumé, dans un dédale sordide paraphernal de tissus laid et de petits animaux empaillés, entre un bric de Daniel Steele en français, un broc Star Trek, une édition originale du Letters de Barth qui pesait bien trop lourd pour que j'envisage même la ramener avec moi en France

et j'ai un peu tiqué en le voyant au début, parce que j'avais déjà lu, un autre temps, un autre livre plus récent de son auteur, Set This House in Order, et que j'avais trouvé ça tout juste pas mal

Il s'agit du deuxième roman de Matt Ruff, Sewer, Gas & Electric, une sorte de trilogie, un bond de travers vers un futur idiot improbable et donc pas du tout un roman d'anticipation, et, pour rester, simple, Thomas Pynchon, qui doit aimer se trouver, nom et âme, dans les livres des autres, en a dit, sur la quatrième de couverture fluorescente, "a post-Millenial spectacular -dizzingly readable!", vous pensez alors si je l'ai acheté, il y a qu'à Montreal, on trouve rien ou presque, et j'étais dans la débâcle d'un grand hangar éclairé au néon où on pouvait voir léviter les microns de poussière dans la misère, et tout ce que je peux vous en dire dans l'éclatante expérience de sa lecture (pas fini, pas fini), c'est que je regrette d'avoir attendu si longtemps pour venir y faire trempette, que c'est, d'abord sans surprise, une belle, effarante débauche athlétique de trames effectivement pynchonesques, effectivement hilarantes, dont on reconnaîtra la musique, les instruments, les petits soli qui divaguent, le slapstick techniciste qui fait un boucan pas possible (les genous des robots qui s'entrechoquent), les interruptions constantes de détours hoquetants pour feuilleter l'histoire et plier l'espace dans tous les sens jusqu'au meli melo de calabi-yau, où les kangourous boxent et les noms de personnage tombés d'un petit molesekine noirâtre piqué dans la table de nuit de George Lucas, une définition parfaite des acronymes ("a sort of inventor's poetry"), des traits un peu forcés comme dans le Broom of the System de Foster Wallace mais qui trépignent, explosent, catapultent, comme chez l'autre wonderkid, le bonheur par la virtuosité bouillonnante des échaffaudages et des embranchements, que c'est un peu dur à suivre (on est loin de la frontière GR, quand même) mais que quand on y colle son nez, micron par micron, c'est l'incarnation même d'un bon mot capitaliste, "safety doesn't sell" et

eh

mais zut, zut, je voulais attendre pour mieux vous en parler, religieusement, revenez donc sur l'extrait ci-dessus, et voyez comme l'hommage est vibrant, en attendant que je me sois bien rendu compte de qui arrive

je sais même pas si on trouve ce truc ailleurs qu'au Village des Valeurs, j'ai un chat dans la gorge, la faute à la poussière, ou alors, tiens, je vois que Ruff (j'ai envie de dire "Matt Ruff" en entier, la musique de son nom tombe sous le rythme de la langue, comme une franchise de chocolat) sort un nouveau livre dans deux semaines

et c'est quoi ces goûts de chiotte, Matt? c'est quoi? (il y a anguille sous roche)

samedi, juillet 07, 2007

a wedding, a funeral

je me rappelle que je voulais connaître tous ses personnages personnellement, genre

c'est triste

jeudi, juillet 05, 2007

soixante-dix sept fois hugo ball


je vous refais le coup d'il y a peu, si je dois parler de quelque chose c'est bien de

77BOADRUM (ça vous dit quelque chose?)

le 8 aout 2008 il n'y aura rien (parce que, rappelez vous de

7
77
777
7777
77777
777777
7777777,

le 7.7.07 il y aura, donc, tout le reste


mais c'est fou je vois qu'il y a nike dans le coup

hyper impoverished

allo



allo, monsieur l'ordinateur? y a quelqu'un?

"Only a chance vision saved him, for suddenly the gods of the storm granted him a clear view down three hundred feet to the open air terrace on the 208th floor, where a blond photographer, lashed in place with a lifeline made mostly of duct tape, was struggling to focus a zoom-lens on him"
(Matt Ruff, Sewer, Gas & Electric, The Public Works Trilogy)

"De la géométrie, tout était de la géométrie et de la merde".
(Roberto Bolano, Monsieur Pain)

mardi, juillet 03, 2007

rumble

"sans longs débordements autobiographiques" (...) "tu gaspilles ton temps dans la boue des rêves" (Antoine Volodine, Dondog, 2002)

"PS2" par John Wiese, Soft Punk, Troubleman, 2007.


je vous laisse enfoncer les points de suspension entre les deux, hein?

almonds of doom

La question parmi toutes les questions du monde que je préfère me poser quand je suis point par point, centi par centi, les lignes d'un récit: mais pourquoi donc écrit il/écrit elle ça? De quoi ça parle? Où sont les fils du dirigeable? Et de me perdre comme tous les autres dans les profondeurs aqueuses d'une histoire surgie d'un nulle part aux amonts insondables, si l'on osera un instant contourner les fils des images, les fils des testaments, les fils des bouts de cultures qui brillent dans les pebbles de la rivière qui s'écoule, bourdon d'échos en plein, vers un autre inconnu sans esquisse de forme, même, à peine tenu entre les mandibules d'un forceps de symbolisme, de métaphores, à peine décelable, à tâtons, dans un gros nuage d'intentions sans précédents; à tâtons dans un mystère qui avance de son propre chef, ignorant du commun des récits qui aiment à mirroirer le monde, l'époque, les soucis, la psychanalyse ou la caverne de Platon, on s'interroge: mais pourquoi il/elle raconte ça? Pourquoi cet univers? Pourquoi se passe-t-il ci, pourquoi subvient-il ça, c'est une belle question qu'on peut retourner comme un gant, en: il n'y a rien à dire ici, il n'y a rien qui veuille porter de la voix ou du sujet, il n'y a rien qu'on manipule, il n'y a rien qui se reflète dans ces murs de miroirs disposés en regards d'eux-mêmes si ce n'est une lumière toute vide qui donne un vertige de rien, comme un geste nihiliste, auquel on rétorquera, dans le bonheur du flou, qu'il y a tout à trouver dans un mystère total qui s'amplifie par lui-même, à commencer par le vertige de la fantaisie vraie, totale, toute puissante, qui sait, toute sirupeuse de son pouvoir, complètement vous entourer dans son corps, jusqu'à cacher les tentacules qui la lient à ses origines, aux rangées des bibliothèques, ces tentacules mêmes qui, si souvent, attachent nos pupille dévoyées de lecteurs aux aguets à la terre ferme de l'exegesable, qui tuent le feu des histoires en retraçant le sentier jusqu'aux mythes, aux incunables classiques qui ricanaient et glaçaient déjà tout le sang de la lectrice humanité quand nous étions encore dans les couilles de nos pères, jusqu'aux ancêtres, jusqu'aux vrais inventeurs, ceux qui ébauchaient les plans des machines volantes qu'on s'ébroue encore à essayer de faire marcher correctement dans la flaque de notre soit-disant modernité.

En toute liberté lisible, en se foutant de l'Histoire, Vollmann aurait pu écrire You Bright & Risen Angels sans le luddisme il y a deux mille ans, Volodine aurait pu écrire Dondog sans Omar Raddad au dix-septième, Denis Johnson aurait écrit Fiskadoro sans Oppenheimer il y a six mille ans, Ben Marcus aurait composé son Age of Wire & String avant que Snorri Sturluson achève son Edda (je crois même bien qu'il l'a fait), Roussel dessina le plan de son Locus Solus avant qu'un concile admirable ne s'accorde et n'emmêle ses nerfs sur tous les vers à lire de la guerre de Troie raconté à sa descendance moderne. Et puis, dès le mystère caché directement dans l'envers de sa couverture et de sa quatrième, sur l'eau, un accident, le Children's Hospital, achevé en 2006 par un étudiant tardif en pédiatrie, avance sans revendication, à même la croûte des mythes de l'Occident sans pourtant en évoquer un seul, et irradie le réel de ses lecteurs dans un grand splash de fantaisie glaciale, cruelle, radicale.

Sur le livre en carton, dans les angles de la croix rouge, un grand point d'interrogation. Dans l'intrigue (pas en carton), une idée d'abord lisible, une prophétie en kit, un deuxième déluge, pas tout à fait un apocalypse, qui engloutit l'humanité en même temps que son monde, et un hôpital - son service pédiatrique, ses enfants mourants - flotte tout entier sur le növö monde-océan pour raconter le jour d'après. Des anges pourvoient les survivants en tout (inclus, l'hôpital qui pousse des annexes pour la survie luxueuse des survivants, une machine à synthétiser n'importe quoi, n'importe quoi scénaristique, j'adore), les harcèlent du regard et de messages d'amour sans pour autant être des réveils matins vraiment fiables, et, surtout, assurent le récit, écrivent les nouveaux évangiles, avec, au premier plan, un ange enregistreur, instance à témoigner, à raconter, homme dans une autre vie (je ne spoilerai pas le reste), qui raconte l'histoire de Jemma Claflin, l'interrompant à peine dans les interstices, Jemma interne sans conviction, désespérée, quasi postergirl de la résilience (frère autotrucidé par le torse à 17, maman suicidée dans l'incendie de la maison familiale après la banale mort de papa), au centre de la tourmente, au centre de l'apocalypse même, bientôt héroïne, bientôt magicienne d'un don à ne pas révéler non plus pour ne pas tout gâcher; l'hôpital des enfants qui reste et qui existe par sa fonction, d'abord, avant tout le reste, avant les questions aux anges, permanents mais insondables, tout le temps sur l'épaules des survivants comme la douleur des enfants suppliciés, tordus, débiles, baveux, fous, obscènes, et là, dans le déroulement de l'âpre l'après, la forme racée, allongée du récit dont chaque chapitre, sans compter les interstices, lance ses propres enjeux, ses propres aventures, ses propres concentrations, se joue tout le mystère du livre, la grande boucle imperturbable de l'histoire, de sa cruauté, la grande Raison de sa mise au monde effroyablement douloureuse. On pourrait simplement, injustement, juste louer la grande Imagination de Chris Adrian, si son récit ne s'attelait pas, sans mansuétude, tortueux, à se dérouler en d'aussi effroyables, impitoyables Ecritures de la souffrance sans ordonnée. Dans le grand après, tout le monde a perdu tous les siens, tout le monde ignore pourquoi il demeure, où, dans les limbes ou sur les flots, et il n'y a rien d'autre à achever que l'explication du titre, l'hôpital est un hôpital, il doit donc s'y dérouler, en premier lieu, des événements d'hôpital, d'autant que les enfants vont de mal en pis, survivants à vif, quand tout le reste de l'humanité a été rayé de l'existence, qu'on semble avoir épargné pour mieux supplicier. L'écriture même est cruelle, n'ignorant aucun détail des maladies congénitales, accidentelles, terminales des enfants, enfilant les images glaçantes, très innovantes, de "chair dense", d'urine, de squelettes broyés souffreuteux, de folies priapiques, frontalités dégeulasses (et, de savoir-faire, délicieuses) contre les corps, quand le regard de Jemma même exulte l'overdose des supplices mêmes ("quand le patient était très gros, on avait l'impression d'être à un barbecue"), sans que jamais n'écume l'ironie ou la distance, débordant en tout point d'humanité, de sagesse dans le face-à-face avec ces épîtres incarnés de souffrance humaine. Dans la population de médecins, de parents, d'illuminés, de petit personnel qu'abrite hôpital, on ne verra jamais un microcosme de l'humanité, mais, pour coller à un beau réel tangible de faits, une petite multitude d'individus plausibles, beaux, laids, égoïstes, un rescapé amnésique de l'océan de mort au comportement lamentable, des mères insupportables, des amies qui trahissent, une parodie de neo-democratie qui condamne ses héros. Rien ne se passe vraiment pour illustrer quoi que ce soit, même pas le débarquement final, même pas l'accouchement d'une nouvelle humanité, plutôt sa parodie jouée et scénarisée par des survivants désespérés de comprendre ce qui leur arrive, de ce qui leur est arrivé, juste de la survie qui s'organise, un quotidien qui se déroule dans l'ennui de pages en creux, quelques événements sans explications qui surviennent juste pour emmener des conséquences, un hôpital qui doit se réinventer quand ses patients deviennent des miraculés, puis redevient un hôpital quand la mort se remet à rôder pour finir le travail de l'apocalypse. Il y a, juste, un décor, des événements terribles, des gens normaux qui font face, qui abandonnent, qui ne font plus face, dans le feu bleuâtre d'une écriture terrible, puissante, épuisante, pas tout à fait virtuose, tout à fait visionnaire. Je ne tenterai pas le comptage des moments de bravoure, la matière du texte est trop dense et trop friable, sachez donc, juste, on ne comprendra rien du pourquoi de cet hôpital qui flotte à douze miles au dessus des restes du monde, on saura juste que ce qui s'y déroule est passionnant, juste, comme dit le Dr. Chandra, au bout du monde qui demeure, face à la douleur totale qui subsiste après la fin du monde, une question soulevée par l'immense stratagème obscène du livre, "There's a whole hospital worth of misery out there (...), it was never part of my life, taking care of kids with a piece of soggy fucking origami where their heart should be. Why do I have to deal with it now? What's the point? What are we being trained for, anymore? What? (...) Why, why, why?"

as loud as (ext)


Fenêtre ouverte
Le bruit, c’est ce son fronde, indomptable, discordant, une puanteur dans l’oreille, comme l’a écrit Ambrose Bierce dans son Devil’s Dictionary, ce que tout oppose et tout interdit à la musique. Le bruit sévère, le bruit dur, le harsh noise, c’est, pire encore, le chaos volontaire, la crasse en liberté, même pas la musique de son-bruits rêvée par Luigi Russolo dès 1913, même pas le bruit des machines ou un miroir sale, mais plutôt le vide exagéré par la violence électrique. Il n’est pas moderne, il n’est pas industriel, il est pire. Russolo voyait l’art des bruits des machines comme le possible dans le creux de l’oreille nouvelle: le harsh noise, terminal, envisage juste détruire jusqu’à cette oreille-là. Le harsh noise est un trou noir. Le harsh noise asservit ses praticiens servants, ses militants. Le harsh noise est, dans la musique, l’ennemi sensible, une extrémité horrible. Le harsh noise n’est pas anxiogène, mais, pire encore, un assaut volontaire, une menace littérale pour le corps, un marteau piqueur, un livre sans narrateur ni personnages, un cylindre de douleur, une aberration au monde à moudre du signe, ce qui n’aurait jamais dû s’incarner, en quelque sorte. Le harsh noise, c’est un bruit volontairement libéré, un labyrinthe de feedbacks autogénéré, autodévorant en même temps, avec juste une main pour sculpter, une intention pour guider, à peine une idée pour le conceptualiser. Il n’est pas une musique bruyante mais une musique une musique-bruit taillée, pas un genre, encore moins un mélange, car s’il est né d’amonts lisibles dans l’histoire de la musique, dans l’histoire du vingtième siècle, il n’a dans sa pratique et sa nature d’autre horizon que ses propres vertus terminales, il n’a d’autre filiation que le petit paradoxe technologique qui lui permet d’exister. Il convient à cet effet de ne pas se perdre dans les méandre des mélodies sculptées, éventuellement mises à mal par le bruit, l’électricité, les logiciels, de la musique produite, en cherchant désespérément le harsh noise, puisqu’il n’est lié à la technologie que dans ses mésusages, la violence qu’il inflige aux machines en les dérivant avec elles-mêmes, en lacérant membranes par le volume, en forçant les épousailles avec les pires artefacts de junk technologique récupéré dans la poubelle du voisin puis branché tel, ou un peu éventré, dans la mixette épuisée. Il convient de comprendre, enfin, qu’il est né au bout du siècle de l’information, en essayant de faire sans elle, en s’incarnant en poussière exagérée des musiques électriques, en cendre de mort de musique sacrifiée, annulation saturée. (...)

la suite est ici

la version publique sera normalement




Conférence, le Jeudi 12 juillet

A 19h30 : Une conférence sur le "Harsh Noise" illustrée d’extraits sonores de Merzbow, Whitehouse, Maurizio Bianchi, The Haters, Hanatarash, The Gerogerigege, Massona, Prurient, John Wiese, etc. par Olivier Lamm, critique rock à Chronic’art. "Le Harsh Noise n’est pas anxiogène mais, pire encore, un assaut volontaire, une menace littérale pour le corps, un marteau piqueur, un livre sans narrateur ni personnages, un cylindre de douleur, une aberration au monde à moudre du signe, ce qui n’aurait jamais dû s’incarner en somme". O.L. (extrait du magazine Palais n°3).