Connaissez-vous "Ralf Und Florian"? Dans le cyclone de l'engouement Kraut, on a tous recouvert nos doigts des poussières de Cluster (personnellement, jusqu'à pas mal de gravats de Moebius et Roedelius, en solo, des monceaux, même du
piano piano de nombril tout seul, franchement ce n'était pourtant pas le propos, enfin, il y a des petites choses grises à y suruper), on s'est badigeonné d'Harmonia et d'inédits amusants de jazz-rock jusqu'à gober du DX-7 et du pad de mididrum expandé plastoc, mon ami Johann qui m'a beaucoup mis sur la voie de Cluster m'a mis un robotoc
"
Zero Set" de Moebius avec Mani Neumeier et Conrad Plank qui me rappelle le "Word of Mouth" de Pastorius, le morceau d'ouverture, là, avec du moog en random pour lancer une machine free (c'est pas si mal, je jure) surtout pour rigoler avec les toms, mais que je trouve assez bêtement crucial, il manquait juste des beaux kick de 808 pour sauver ce bel objet bruit-dissonance, limite une b.o. de Friedkin avec des bleeps captés par Jan StWerner, et le faire rééditer en luxe comme le "My Life In The Bush of Ghosts" d'Eno & Byrne (jamais capté, celui-là, sauf le morceau avec la basse slappée qui a été samplé par je sais plus qui sur une vieille compil Mo'Wax, si quelqu'un retrouve le morceau, soit dit en passant), bref, dans la
tourmente, on en a tous oublié d'aller à la source magique, et j'avais ce truc
dans un coin qui prenait la poussière, je pensais que c'était des inédits relous, des raretés mal enregistrées comme "Autobahn", je lisais Kraftwerk comme une ligne droite dialectique, une poussée de forme du bricolage vers la précision divinatoire de la machine et je militais donc pour les derniers albums, "Computer World" mon préféré et même "Electric Café" (je disais toujours, comme un imbécile, que le seul problème de ce disque était d'avoir été mixé par François Kevorkian, qui le sortait de son eden de carton sec pour le mettre dans un hyperspace disco, j'avais tort, l'hyperspace ça peut être
sublime, et le problème de ce disque c'est que c'est un disque de ventriloque) sommes précisées, upgradées des précédents, les derniers au bout de la chaîne de recherche, j'étais imbécile, en fait cette compilation rassemble "Kraftwerk II" (bruit et flûtes, un peu de funk chou mou, pas mal) et "Ralf Und Florian", premier Kraftwerk à deux hemisphères, bien plus qu'une plongée dans le futur à venir, et que de temps perdu à ne pas l'écouter, compulsivement, toxiquement, tout l'ambiant est là, toute la pop est là, toute la house est là, tout Kraftwerk est là sans les drumboxes, tout le bruit blanc des logiciels sans les logiciels, connaissez-vous "Ralf Und Florian"?
Il faut dire que j'étais predisposé, plein de beats craquants dans les oreilles, pleins d'architetures qui s'oublient, le Gui Boratto, que j'adore, tout le temps dans les oreilles (j'ai ai fait un rapport pour le
travail), le B-2 UNIT parfait
parfaitement habité de Sakamoto et ses percussions écrasées, DJ Koze, ou les mobiles technicistes plastiques sans failles du "Sweet Robots Against The Machine"
de Tei Towa (c'est amusant, un lecteur de Chronicart vient justement de se
plaindre de l'oubli de Tei de notre dossier Shibuya Kei, il faut donc que je dise ici, vite en passant, que Tei vient d'ailleurs, et que l'oubli est volontaire, même si je vénère ses formes), je suis tout avide de formes précalculées, je n'arrête pas de dire à ma chérie que je veux voir des films avec des robots, avec du plastique, avec des failles quadrillées saupoudrées, mais je ne m'attendais pas à trouver la transcendence de
si beaux accidents électroniquesdans l'ordre du disque, exactement
"
Tongebirge", flûtes délayées et basses qui vrombissent, un vrai kraut sans démarreur, pure extase intacte, tout "Autobahn" sans le paysage qui défile, mini-monument;
"Kristallo", premier exercice trans, traversée d'un désert clavicordé, avec même des fausses notes pas réparées, et, à mi-parcours, accélération hilarante et arrivée des pois sauteurs, comme une IDM idiote, le morceau est avant-coureur du "Hall of Mirrors", dans une sorte de veine romantique, un peu viennoise, mais l'accélération finale la lamine en faisant exploser le maïs. 200 ans d'avance dans pas grand chose;
"Heimatklänge", le piano sérieux et déjà tout Cluster&Eno, juste les flûtes en trop, mais à l'octave en dessous, un peu de saturation dans la tranche, on voit un peu la campagne d'Arno Schmidt
"Tanzmusik", le plus connu, je crois, adorable mais dangereux, sons de synthèse très sommaires, quelques bits, une petite boita qui pompe et qui est déjà celle de "Man Machine", sauf, qu'en plus, il y a une pièce ouverte, avec des fenêtres, handclaps et glockenspiel, voix qui geignent joyeusement, une vrai montée pop optimiste, un morceau qui file droit vers sa conclusion de marguerites juste écloses
"Ananas Symphonie", titre parfait, Johann me dit qu'il y est échantillonné et bitcrushé sur le nouveau Panda Bear, bon signe, autoharp qui granule en stereophonie parfaite, mini gamelan et vocoder, une tranquillité immense, feuilletée de vrai white noise sculpté à même le bruit des vagues, Hawaï numérique avant l'heure du H.A.T. de Hosono avec Atom Heart et Tetsu Inoue (celui du fabuleux
"
DSP Holiday", exercice de tropicalia
numérisée à même le HD mourrant, du "Hawaï 5.0"
de Secret Mommy (prenez donc "the
Culture", c'est génial) ou, encore, du "
Hawaïan Tabra Chepa" de Tei, marrant, passionnant comme la musique électronique, surtout à son époque bitcrush, aime toujours faire le bruit des vagues avec le générateur de bruit blanc des midi keys), moment immobile malgré la structure très complexe, les rouages des parties aplaties, grande conclusion qui respire avant le prendre la route. Connaissez-vous "Ralf Und Florian"? Ce disque n'a jamais été réédité correctement, Ralf et Florian ne sont jamais rentrés
de vacances.
ps exercice cherchez les trésors dans la page.