amoureux centenaires
deux présents du samedi matin baigné de soleil de jour de givre
un bout de lettres précieuses, un peu triste, et un aplat de mélancolie, un peu joyeux; qu'en dites vous?
en croix, la musique, c'est "Okwukwe Na Nchekwube" par Celestine Ukwu & His Philosophers National (matin, quel nom), trouvé au début de la compilation Nigeria Special: Modern Highlife, Afro-Sounds & Nigerian Blues, certifiée bourrée à craquer de fer blanc, de plans de guitare à vous décrocher l'auriculaire et tout à fait branchouillement corrects (tu peux faire vrombir tes lampes de designer italien hors de prix, mon ami), emmagasinés entre 1970 et 76 c'est à dire avant que Fela devienne la norme, quoi, bref, utilitairement nickel pour un samedi baigné de soleil froid (pour le coup le morceau de Celestine Ukwu refroidit vraiment le paysage)
après, c'est sans commentaire, une démonstration de force et de fantaisie engagée, signée Senges, artiste à respecter parce qu'il allonge toujours, toujours les mots latins en italiques:
Lichtenberg et le beau sexe
Après ses Quarante-neuf façons de poser la tête dans sa main et sa théorie des plis de l'oreiller, Lichtenberg a le temps (le loisir) d'ébaucher un précieux Quatre-vingt-une postures de l'amour, pour tous usages et tout public, tant pour les mariages heureux que les couples en herbe, sur lit ou au balcon, et pour ces amoureux centenaires que l'on sait embarqués ensemble pour longtemps - parmi celles-ci, la soixante-deuxième: Le Pavillon des jours de givre: l'homme se tient assis, son chapeau sur la tête, un livre de prière à la main; sa partenaire est à genoux, les jupons légèrement retroussés, à une distance de sept pas au moins; elle a une brosse dans la main droite et lessive les carreaux de la cuisine. La trente-septième: La Gondole des nuits sans lune: la femme est en face de son mari, les bras nus et les cheveux défaits; lui se tient sur ses deux jambes (bien campé), les bras levés, le front bas; la femme frappe à six ou sept reprises sur ce front, si bas soit-il, à l'aide d'un balais (etc. - inutile de préciser que les brouillons ont terminé dans une lessiveuse).
Il s'était promis également de compléter le catalogue des conquêtes de Don Juan, en y apportant un supplément d'âme, son expérience des êtres humains, son invention qui compense les lacunes de l'expérience, toute la courtoisie des Lichtenberg, gentilshommes de père en fils, et la politesse proprement georg-christophienne n'appartenant qu'à lui, léguée à personne: des portraits de dames, suivis de leur nom et d'un fragment de biographie: plus l'ensemble est précis, plus il est érotique, mais plus il rachète l'apparente désinvolture du Don Juan encyclopédiste. (Fragments de Lichtenberg)
(oserais-je avouer que la totalité de mes fléchages est mue par des choix de coloris? tout doit contenir du magenta, sinon ça défigure la page)